Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

milieu, la variété lyrisme se transforma, sans perdre ses caractères essentiels, en éloquence, et beaucoup d’autres métamorphoses.

Ce fut la première folie de M. Brunetière. Elle fut courte, d’ailleurs, et bientôt suivie d’une réaction violente de raison. M. Brunetière qui, à force de lourdeur, paraissait doué de beaucoup de pondération, était, au contraire, un passionné. Quand il se voyait contraint de se déjuger, il s’exécutait sans modération. Dur pour les autres, il se montrait dur pour lui-même : « La Descendance de l’homme de Darwin ou l’Histoire naturelle de la création du professeur Hœckel ne sont, de leur vrai nom, que des romans scientifiques. » Il reconnaissait d’autre part qu’il était impossible de faire de la critique « une science analogue à l’histoire naturelle ». Cette dernière déclaration aurait suffi : M. Brunetière n’était pas un savant, mais Darwin ne fut pas un romancier. Il y aurait tout de même dans cette aventure un point à retenir. On y verrait aussi bien, et cela donnerait au moins raison à Taine, et l’influence du milieu et l’influence du moment. M. Brunetière subit Darwin parce que Darwin était puissamment à la mode dans le milieu sorbonique où il avait passé sa jeunesse. Et il ne fut pas le seul bon esprit qui subit mal à propos la méthode darwinienne et qui essaya, avec plus ou