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bénéfice honteux. Je connais peu de Français honorables qui consentiraient à recevoir dix ou cent mille francs de la main elle-même qui vient de les trahir. Et puis quel encouragement au chantage, sous les formes les plus retorses, les plus perverses ! Laissons donc ce point pour examiner quelle est l’opinion des jurisconsultes et des sociologues sur l’abolition des articles 336 à 339, qui sont ceux par lesquels le Code pénal continue de réprimer l’adultère. Les uns, dit M. Nast, dans sa Répression de l’Aadultère, et c’est également son opinion personnelle, désirent conserver ces célèbres articles. Pour un peu, ils demanderaient qu’ils fussent renforcés. « L’adultère constitue une atteinte très profonde à la famille, molécule primordiale de la société. Il importe donc d’ériger ce fait en délit et de le sanctionner sévèrement. » Ils ajoutent que l’adultère de la femme, étant beaucoup plus dangereux, au point de vue social, que celui du mari, doit être puni d’une manière plus rigoureuse et dans tous les cas. Le mari, selon eux, doit rester indemne tant qu’il respecte le toit conjugal. Franchi le seuil de la maison, il est libre. C’est la thèse du Code. Elle n’enchante pas les femmes. J’ajouterai qu’elle est rédigée de la manière la plus absurde, car enfin combien y a-t-il donc de maris qui soient en situation « d’entretenir une concubine au domicile conjugal » ?