Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

évolua plus vite que le reste de l’Europe, dont elle devait faire l’éducation philosophique.

Cependant, je crois que son indifférence légale pour l’adultère est assez récente. Du moins est-elle complète. Et ici se voit encore bien nettement le désaccord entre les lois et les mœurs, car ce même adultère que le code anglais traite comme une simple rupture de contrat, l’opinion anglaise lui est extrêmement sévère. Le mot lui-même inspire une sorte de dégoût physique et les allusions au fait sont toujours voilées. En France, au contraire, où l’adultère est une des bases de notre littérature, la raison d’être de notre théâtre, le piment obligé des conversations mondaines, le chapitre favori des histoires nationales, l’auréole enfin de nos familières héroïnes, en France, l’adultère, s’il n’est plus un crime, est encore un délit. De trois mois à deux ans de prison, dit le Code. Le juge s’en tire par le jeu des circonstances atténuantes et prononce une médiocre amende. C’est encore trop. Il semble bien que c’est l’Angleterre qui a provisoirement raison. On peut aller encore plus loin et dire que la loi ne devrait connaître l’adultère que pour le retenir comme motif de divorce, à la requête de la partie lésée. Les dommages et intérêts nous sembleront toujours une réparation un peu matérielle, une compensation trop positive et même quelque chose comme un