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la confidence de l’imprudent époux. » Cette idée de punir le mari trompé par sa femme est cruelle, sans doute, mais non absurde, car l’infidélité de la femme vient presque toujours de l’incapacité du mari. De là aussi le ridicule des époux trompés, c’est-à-dire, en somme, de ceux qui n’ont pas su se faire aimer, qui ont été au-dessous de leur tâche, soit dans l’ordre physique, soit dans l’ordre sentimental. La malignité publique est en cela fort clairvoyante.

Un des plus anciens textes civils de l’ancien droit français touchant l’adultère est un capitulaire du bon roi Dagobert, permettant au mari, soit d’occire son rival, soit de le faire condamner à son profit à une fructueuse amende. On reconnaît là le système Franc des compensations, lequel est d’une rare immoralité. Dagobert ne fut pas longtemps pris au sérieux, mais le droit au meurtre demeura reconnu au mari, et ce droit, en fait, existe toujours, toujours sanctionné par les jurys. Le seul progrès est que ce droit est également reconnu à la femme trompée ; il est même reconnu entre amant et maîtresse. Progrès dans l’égalité des droits, si l’on veut, mais aussi persistante barbarie ! « Tue-la ! — Tue-le ! » Le second cri ne rend pas le premier moins sauvage.