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Quand la séparation s’accomplit entre le droit canonique et le droit civil, quand les péchés contre les commandements de l’Église cessèrent d’être considérés comme des crimes, l’adultère fut déféré aux parlements et aux tribunaux ordinaires, et la vieille indulgence romaine ne tarda pas à régner à nouveau. Au seizième siècle, les lamentations des juristes ressemblent à celle de Juvénal, dont ils redirent les paroles mêmes. La loi dort-elle donc que l’on ne voit que femmes émancipées et maris débonnaires ? Oui, la loi dormait, parce que l’opinion publique ne s’émouvait plus. Le même phénomène se reproduisait, qui avait énervé jadis la loi Julia. Le droit germanique avait importé en France le principe de la peine de mort contre la femme adultère, mais on n’avait jamais osé l’appliquer. Bien plus, c’était la femme qui, en même temps qu’elle trompait son mari, le rendait coupable. S’avisait-il de déposer une plainte contre sa femme, le peuple, dès qu’il en était informé, le plantait sur un âne, le visage tourné vers la queue, et le promenait par la ville, au milieu des quolibets. « Aussi, dit un vieux jurisconsulte, qui rapporte cette coutume, le parti le plus sage qu’on puisse conseiller à un mari, en pareille occasion, c’est de dévorer ses chagrins et de ne point faire part de son secret au public malicieux, qui paie presque toujours d’ingratitude