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formations de la poésie française depuis Népomucène Lemercier jusqu’à M. Francis Vielé-Griffin. Darwin, pour cette étude, n’offre, semble-t-il, qu’un secours médiocre.

Pourquoi donc M. Brunetière avait-il essayé de greffer sa méthode sur le darwinisme ? C’est que Darwin, comme tout autre historien de la vie animale, d’ailleurs, fait abstraction des individus. L’Histoire naturelle ne connaît que les espèces et elle admet, en principe, que tous les individus normaux d’une même espèce sont identiques, à un moment donné, les uns aux autres. La méthode scientifique plaisait à M. Brunetière parce qu’elle lui permeltait de combattre l’individualisme, qui lui a toujours paru à la fois un danger social et un danger intellectuel. Il faut bien pourtant, quand il s’agit d’œuvres personnelles, mentionner les personnes ; mais cela ne viendra qu’en second lieu. L’histoire littéraire ne sera plus une succession de portraits, de vies individuelles ; c’est de la poésie qu’il sera question ou de l’histoire, et non des poètes ou des historiens ; on étudiera les œuvres, sans donner aux auteurs une trop grande importance, et l’on montrera comment ces œuvres s’engendrent les unes les autres par nécessité naturelle ; comment de l’espèce poésie naissent les variétés sonnet et madrigal ; comment, sous l’influence du