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est donc une idée très heureuse. Il reste à la réaliser. De quoi s’agit-il ? Garder des souvenirs, honorer des mémoires. Il semble donc bien inutile de collectionner des cercueils. C’est une forme trop matérialiste du culte. N’imitons pas ces dévots superstitieux pour qui des ossements sont des talismans. La matière, quand la vie l’a quittée, abolissant la pensée, n’est plus rien qu’un amas de choses qu’il faut rendre au creuset d’où sortiront de nouvelles formes. Ce qui reste d’un mort, quel qu’il soit, c’est l’idée que nous en avons, c’est un souvenir plus ou moins vivant dans nos esprits. Pour fixer ce souvenir, une image de pierre ou de bronze, un nom, deux dates, quelques mots ; un Panthéon devrait être cela, une galerie de bustes ou de statues.

Qu’est-ce qu’un Panthéon français sans Descartes, qui nous a appris à douter méthodiquement, à ne céder qu’à l’évidence ? Mais Descartes est à Stockholm. Qu’est-ce qu’un Panthéon français sans Rabelais, le grand railleur devant qui comparurent en égaux Calvin et le pape ? Mais on ne sait même pas où Rabelais fut enterré. Alors la figure de Descartes et la figure de Rabelais ne remplaceront-elles pas avec avantage cette poussière sans nom qui repose au fond d’un coffre ? Cependant, dira-t-on, les Anglais ont suivi une autre méthode