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est l’auteur de la colonnade du Louvre. Sans Racine, pas de tragédie ; mais sans Perrault, pas de colonnade. Qu’il s’agisse d’une maison moderne, et d’un poème moderne, les positions du poète et celle de l’architecte resteront les mêmes, et, cependant, ils sont traités bien différemment : l’un est payé de son œuvre une fois pour toutes, l’autre en a gardé la jouissance non seulement pendant sa vie, mais encore cinquante ans après sa mort, en la personne de ses héritiers. Bien plus, l’architecte, qui peut très bien, lui aussi, avoir produit un chef-d’œuvre, le verra peut-être détruit sous ses yeux par caprice ou par nécessité[1].

Mais les comparaisons sont toujours mauvaises ; je n’ai analysé celle-ci que pour montrer combien il peut être absurde de vouloir résoudre un problème analogue. Musset n’a pas construit de maisons à cinq étages, voilà ce qui est certain : il a écrit des poèmes, des comédies et des contes, ce qui est assez différent. Les maisons qu’il aurait pu construire auraient été des œuvres caduques, soumises aux réparations, aux impôts, à l’expropriation ; les œuvres littéraires, au contraire, toute valeur d’art réservée, apparaissent indestructibles. Et

  1. Comme cela arrive précisément (1909) pour la Galerie des Machines, dont plus d’un homme de goût, notamment Huysmans, loua la beauté et la hardiesse