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auteurs, compositeurs ou artistes, est portée à 50 ans à partir du décès de l’auteur. » Ce délai, demande notre confrère, est-il suffisant ? Doit-on l’augmenter ? L’opinion commune, parmi les hommes de lettres, est que le délai est insuffisant. Plusieurs d’entre eux pensent même que la propriété littéraire devrait être perpétuelle. Comme je ne suis ni du premier avis, ni surtout du second, je demande à présenter quelques observations à ces « propriétaristes » trop convaincus.

Supposez, a dit un homme ingénieux, qu’en 1835 Alfred de Musset, au lieu de publier ses Premières poésies, ait bâti une maison ? Dans ce cas, au lieu de se créer une propriété temporaire, il se créait une propriété perpétuelle. Celui qui pose le problème en ces termes croit, sans doute, évoquer une image claire et saisissante ; il n’est en rien : c’est la confusion même. On peut, à la rigueur, comparer la publication d’un poème ou d’un roman à l’édification d’une maison ; mais ce qui est impossible, c’est de comparer le poète ou le romancier au propriétaire constructeur. Le poète n’est pas le constructeur matériel de l’œuvre ; il en est le constructeur intellectuel. Pour suivre la comparaison, il a dans l’œuvre de librairie exactement le rôle de l’architecte dans l’œuvre de maçonnerie. Racine est l’auteur d’Iphigénie dans les conditions même où Claude Perrault