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rire. Elles avaient une grande portée à un moment où la religion dominait les esprits, surtout quand le janséniste accuse formellement Molière d’impiété et de sacrilège. Aussi toutes les fureurs dévotes, dit M. Abel Lefranc, vont-elles, dès ce moment, se tourner contre lui. A partir de l’École des femmes, il devient un danger public, et l’Église, qui croit représenter le public, le poursuivra jusqu’au tombeau. Le curé de Saint-Eustache refusa la sépulture à Molière et, dans le même temps, il l’accordera à Scaramouche. C’est beaucoup moins comme comédien que le clergé a honni Molière que comme philosophe. Ce qu’elle a détesté et cherché, vainement, à faire mépriser en lui, ce n’est pas l’acteur du Malade imaginaire, c’est l’apologiste de la nature, l’amant de la liberté, le défenseur de la vie contre les préjugés chrétiens. Ils ont persécuté en lui un des libérateurs de l’humanité, et peut-être l’un des plus efficaces, étant le plus amusant, le plus populaire, celui qui s’insinue avec le plus d’adresse dans les consciences malades et qui, le plus sûrement, les guérit. Reconnaissons que les chrétiens éminents du dix-septième siècle, les Nicole et les Bossuet, discernèrent immédiatement la valeur de Molière. Ils comprirent fort bien qu’un grand ennemi leur était né. Ils ont cherché à le terrasser. Je considère cela comme légitime. Cette lutte entre