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Lesdiguières : Des Réaux fournirait ces exemples et bien d’autres, sans parler de la fortune d’un Luynes, bâtard d’un chanoine, sans dénombrer tous ces abbés, chanoines, évêques, partis de rien.

On trouverait encore dans Tallemant la preuve qu’au dix-septième siècle, comme aujourd’hui même, les écrivains se recrutaient dans toutes classes de la société. Voiture « étoit fils d’un marchand de vin suivant la cour », ce qui ne l’empêcha pas, malgré une éducation fort médiocre, d’être, pour son esprit, recherché des plus qualifiés. « Si Voiture étoit de notre condition, disait le duc d’Enghien, il n’y auroit pas moyen de le souffrir. » Pierre Costar, qui tient sa place dans la société polie, « étoit fils d’un chapelier de Paris, qui demeuroit sur le pont Notre-Dame, à l’Ane rayé ». Sarasin, qui, à la vérité, ne fit pas une grande fortune, était de très humble origine. Bois-Robert est fils d’un procureur ; Ménage, d’un avocat ; Chapelain, d’un notaire. M. de Montausier disait que Balzac venait d’un valet de chambre de M. d’Épernon, mais cela ne l’empêchait point d’être son ami. Toutes les origines, toutes les conditions, tous les rangs sont mêlés dans les premiers choix des Académiciens.

La frontière entre les diverses conditions sociales est assez mal gardée ; les habiles en profitent et se faufilent. Il arrive aussi que l’homme de mérite