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sa maison, près la porte de Richelieu, mon cher ami M. des Réaux. G’étoit un des plus hommes d’honneur et de la plus grande probité que j’aye à jamais connu. Outre les grandes qualités de son esprit, il avoit la mémoire admirable, écrivoit bien en vers et en prose, et avec une merveilleuse facilité. Si la composition lui eût donné plus de peine, elle auroit pu être plus correcte. Il se contentoit peut-être un peu trop de ses premières pensées, car du reste il avoit l’esprit beau et fécond, et peu de gens en ont eu autant que lui. Jamais homme ne fut plus exact ; il parloit en bons termes et facilement, et racontoitaussi bien qu’homme de France. »

Quelques bons esprits ont longtemps tenu rancune à des Réaux de la liberté de son langage. On peut répondre d’abord, et on l’a fait, que notre pudeur s’est singulièrement aggravée depuis l’an 1657, où des Réaux commençait de rédiger. De son temps même la pruderie du langage menaçait les anciennes libertés et il se vit forcé, dans l’historiette sur la marquise de Rambouillet, de reprendre sa bonne amie sur ce travers :

« Elle est un peu trop délicate, et le mot de teigneux, dans une satire ou dans une épigramme, lui donne, dit-elle, une vilaine idée. On n’oseroit prononcer le mot de cul. Cela va dans l’excès, surtout quand on est en liberté. »