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aux coquins d’une religion et pas aux honnêtes gens de l’autre ? Quel est donc ce Dieu qui joue avec l’humanité « à cligne-musette et à coucou-le-voilà » ? Il se fait dire ces belles choses par un habitant de la Lune, qu’il a soin, pour ne pas finir comme Vanini, d’accuser de lui tenir « d’impertinents raisonnements », mais le coup est porté et il imagine aussitôt une diversion qui le dispense de réfuter un adversaire qui pense justement tout comme lui. Nous qui jouissons, et il n’y a pourtant pas bien long-temps, de la pleine liberté de parler et d’écrire, nous sommes quelquefois étonnés des précautions que prenait autrefois, pour s’exprimer, une pensée libre. Voltaire encore y a recours. Il met en présence le pour et le contre ; au bon sens du lecteur de décider. Cyrano est un des écrivains anciens qui parlent le plus franchement ; le manuscrit original du États et Empires de la Lune est peut-être le traité de philosophie le plus hardi, sous sa forme divertissante, qui fut jamais publié jusqu’à ces dernières années.

Que l’on joigne à cela la République du Soleil, d’un esprit si curieux, si dégagé, si imaginatif, les lettres sur les sorciers, où la pénétration philosophique est soutenue par une langue admirable, d’une verdeur presque unique, le Pédant joué, comédie qui, un peu allégée de certaines longueurs, n’est