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LE VRAI CYRANO DE BERGERAC


Sans doute les amis de la littérature française en voudront longtemps à M. Rostand d’avoir façonné un Cyrano de Bergerac aussi éloig-né de la vérité que celui qu’il mit à la scène ; cependant, ils lui sauront gré, d’autre part, d’avoir rendu populaire un nom qui est un des beaux noms de l’histoire littéraire. Le nom désormais connu de tous, il s’agit de figurer le personnage réel qui le porta. Pour cela, il faut d’abord effacer à peu près tous les traits dessinés par la main vraiment trop romanesque de l’auteur dramatique. Premièrement, Cyrano de Bergerac n’était point originaire de la Gascogne, mais bien parisien et d’une vieille famille parisienne ; ensuite, il ne fut ni bretteur, ni matamore, ni particulièrement ami des jeux d’épée. Il eut des duels, mais n’en chercha jamais aucun ; il n’en eut pas davantage que les autres gentilshommes de son temps. Enfin, jamais personne ne fut moins que lui un homme de plaisir. Il ne buvait guère que de l’eau et se souciait assez peu des