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souvent, peut-être, les rimes que les coupes. Il a vanté très haut sa capacité d’ivrogne, mais n’a-t-il point délivré un pareil certificat à son ami Faret, à l’honnête, sobre et timide Faret, qui, malgré la rime, ne mit peut-être jamais les pieds en un cabaret, ni au Cormier ni à la Pomme de pin ?

On sent bien, cependant, que Saint-Amant fréquentait volontiers les mauvaises compagnies, mais c’était surtout par amour du pittoresque, et pour en revenir avec ces sonnets qui sont, comme les Goinfres, le Paresseux, Assis sur un fagot, et plusieurs autres, des eaux-fortes qui valent celles de Callot. On disait, de son temps, les « caprices » de Saint-Amant, comme les caprices de Callot. Ils vont de pair : l’un nous fait comprendre l’autre ; ils s’illustrent réciproquement.

Oui ne le connaît, ce sonnet du Paresseux, dont le premier quatrain amuse l’imagination ?

Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un don Quichotte en sa morne folie.

Huysmans admirait fort les Goinfres. La langue française ne possède rien dans le genre « grotesque » de buriné d’une main aussi sûre ; j’appellerais les sonnets de Saint-Amant des pièces de vitrine, des pièces de musée.