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Il est donc probable qu’ils n’auraient point poursuivi Théophile pour quelques couplets salés, pour quelques randonnées nocturnes ; ils le poursuivirent parce qu’il n’allait pas à la messe ; parce que, un jour, il ne s’était pas découvert devant le Saint-Sacrement. Ils sentaient en lui un amant de la nature, donc un ennemi du christianisme. Pour un chrétien, la beauté et la vérité ne peuvent se trouver que dans le surnaturel ; quiconque fait profession de vivre selon la nature est considéré comme un panthéiste, comme un négateur du Christ. Que deviendrait la religion, que deviendraient les prêtres qui vivent d’exploiter le surnaturel, si les hommes se mettaient à suivre cette belle maxime de Théophile : « J’approuve qu’un chacun suive en tout la nature ? »

Mais il était bien difficile, en 1628, période d’un grand bouillonnement intellectuel, de faire brûler un homme pour avoir trop aimé « notre mère Nature ». La méthode de Bacon et sa physique commençaient d’être connues en France ; Descartes méditait déjà son système ; Gassendi allait bientôt glorifier Epicure. Pour perdre Théophile, qui était l’âme d’un groupe très ardent de libertins, c’est-à-dire de libres-penseurs, les jésuites l’accusèrent, non seulement d’athéisme, mais de sodomie. Cela fut leur tactique constante. Il n’est guère de libre