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D’une main défendant le bruit
Et de l’autre jetant la ligne,
Elle fait qu’abordant la nuit,
Le jour plus bellement décline.
Le soleil craignant d’éclairer
Et craignant de se retirer,
Les étoiles n’osaient paraître,
Les flots n’osaient s’entrepousser,
Le zéphyre n’osait passer.
L’herbe se retenait de croître.

Voilà une nature bien spirituelle. On la retrouve dans le Songe de Vaux. La Fontaine a beaucoup pratiqué Théophile. Il a su par cœur la Maison de Sylvie ; cela est visible dans ses premières œuvres : « A Malherbe, à Racan, il préférait Théophile. »

Voilà pour le goût de la nature. On aimera ensuite Théophile pour la grâce qu’il sait donner à l’expression de sa tendresse amoureuse :

Quand tu me vois baiser tes bras,
Que tu poses nus sur les draps,
Bien plus blancs que le linge même ;
Quand tu sens ma brûlante main
Se pourmener dessus ton sein,
Tu sens bien, Cloris, que je t’aime
Comme un dévot devers les cieux,
Mes yeux tournés devers tes yeux,
A genoux auprès de ta couche,
Pressé de mille ardents désirs,
Je laisse, sans ouvrir ma bouche.
Avec toi dormir mes plaisirs…

Théophile, bien qu’il se soit adonné, lui aussi,