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au contraire, pour que ses dessins soient formés avec une précision ingénue. Il y a encore bien des réminiscences littéraires dans les paysages de Théophile, et aussi bien des feintes et bien du mauvais goût, mais on y verra çà et là des traits et même des figures d’une élégante et juste simplicité :

La charrue écorche la plaine,
Le bouvier qui suit ies sillons
Presse de voix et d’aiguillons
Le couple de bœufs qui l’entraîne.

Alix apprête son fuseau
Sa mère qui lui fait sa tâche
Presse le chanvre qu’elle attache
A sa quenouille de roseau.

Une confuse violence
Trouble le calme de la nuit
Et la lumière avec le bruit
Dissipe l’ombre et le silence.

Mais pourquoi faut-il que, dans cette agréable description du matin, il fasse intervenir « le généreux lion » et, ce qui est pire, « sa dame entrant dans les bocages » ? C’est que Théophile ne possède pas encore l’art de localiser un paysage. Il veut nous décrire un matin universel, et son tableau, heureux dans le détail, est, dans l’ensemble, incohérent.

Le Matin, cette ode célèbre et d’après laquelle on juge toujours du gôut de Théophile et de sa sensi-