Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auteurs, ce qui n’est qu’un jeu pour les érudits de la littérature théâtrale. Maintenant, il est singulier que l’on ait joué le même soir deux pièces ayant le même sujet. S’il n’y a pas erreur de rédaction, il faudrait en conclure que l’Orange de Malte était connue de plusieurs personnes et qu’elle avait à ce

    l’Impératrice, l’Espoir de la faveur, comédie en cinq actes et en prose, par Etienne et Nanteuil, et au Vaudeville, Thomas Muller ou l’Effet de la faveur, comédie en trois actes et en prose, par Chazet, Gersain et Dieulafoi. Le Courrier des Spectacles du lendemain 17 terminal (Bibl. nat., Inv., Z, 5326, in 4) rendit compte de ces deux pièces en un seul et même article.
    Ce compte rendu débute ainsi
     « On faisait courir beaucoup de bruits malins avant la représentation de cette pièce. On parlait d’une comédie manuscrite de Fabre d’Églantine, intitulée l’Orange de Malte. On annonçait que cette Orange de Malte aurait beaucoup d’affinité avec la pièce nouvelle, et on insinuait avec quelque adresse que le manuscrit de Fabre d’Églantine ne s’était pas trouvé après sa mort. On s’arrêtait là, et on laissait à la malignité du public le soin d’interpréter le reste. D’un autre côté, les auteurs de l’Espoir de la faveur paraissaient se plaindre qu’on jouât dans le même temps au théâtre du Vaudeville une pièce sur le même sujet et presque avec le même titre. On parlait de quelques répétitions faites au théâtre de l’Impératrice, en présence de quelques personnes, et on laissait à penser que ces personnes avaient bien pu s’emparer de quelques idées des poètes leurs confrères.
     « La représentation des deux pièces mettra le public à même de prononcer sur ces bruits… »
    Suit une analyse des deux pièces, qui sont, en effet, semblables pour le fond.
     « … N’ous n’examinerons pas ici de quelles sources proviennent ces ressemblances, si les auteurs des deux pièces ont également pressé l’Orange de Malte, ou si les auteurs du Vaudeville ont écouté à la porte du Théàtre Louvois ; nous nous contenterons de remarquer que, si les deux ouvrages ont eu des ressemblances du côté de la composition, ils en ont eu aussi du côté du succès… »