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est appelé le cardinal l’Ignominie ; ouvrez les journaux de ce matin… Je ne sais si Champcenetz collabora à cette feuille assez malpropre et de plus d’ordure que d’esprit. C’est très possible. Il travailla certainement à la Chronique scandaleuse, au moins aux premiers numéros. Les rédacteurs de cette feuille d’un si beau cynisme se traînent réciproquement dans la boue, pour donner le change par ruse de guerre, et il ne faut point être surpris de lire en épigraphe au numéro 9 :

J’appelle un chat un chat, — et Champce… un drôle.

On pense au mot du Régent qui trouvait qu’à force de coups de pied au derrière Dubois le déguisait trop. Champcenetz trouva-t-il drôle d’être appelé drôle ? Il était si indifférent, si rieusement fataliste !

Dans le même temps que Rivarol fuyait les assassins qui entraient chez lui, le lendemain, dans l’intention bien arrêtée « de raccourcir le grand homme » [1], Champcenetz se retirait à Meaux. Il y aurait peut-être vécu tranquille, si l’idée absurde ne lui était venue de revenir à Paris. On a dit qu’il quitta sa retraite pour se donner le plaisir de revoir

  1. Lettre de Rivarol à son père. Il prend bien l’anecdote et y voit « ce mélange de plaisanterie et de férocité qui fut un des caractères de la Révolution ». Voyez aussi l’histoire de la pendaison manquée de M. de la Salle. (Journal politique national, 1re série, no 10.)