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au Palais-Royal, par une belle soirée d’automne. L’auteur d’ Estelle fut de très mauvaise composition et défendit son bien très sévèrement : « Eh bien, dit Champcenetz, n’en parlons plus, j’aurais dû la faire, car elle ne vaut pas grand’chose et je l’aime beaucoup. » La scène devait être bien comique, car Champcenetz était tenace, en même temps qu’il étourdissait par son rire. « Sa gaieté était son esprit[1]. »

Ce bouffon impertinent, René Ferdinand Quentin de Richebourg de Champcenetz, était chevalier de Malte. Il avait deux frères. L’aîné, le marquis de Champcenetz, était, selon le croquis qu’en a laissé Rivarol, un homme taciturne et mystérieux : « Il n’entre point dans un salon, il s’y glisse, il longe le dos des fauteuils et va s’établir dans l’angle le plus obscur, et quand on lui demande comment il se porte : « Taisez-vous donc ! Est-ce qu’on dit ces choses-là tout haut ? » Il est également romanesque et passionné, si bien qu’il épousa la trop belle Mme Pater, appelée aussi baronne de Niewerkerke, et qui avait eu des aventures[2]. Le cheva-

  1. Mémoires, t. I, ch. xii.
  2. Meister, dans la Correspondance de Grimm, dit que c’est M. de Champcenetz, le père, qui épousa la Pater : « M. le marquis de Champcenetz, le père, pour finir le roman de madame de Newkerque, vient de l’épouser. Cette beauté, si célèbre autrefois sous le nom de madame Pater, après avoir eu beaucoup d’aventures fort brillantes, entre autres une avec M. le duc de Choiseul, eut presque en