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trer leurs idées ; d’autres examinent d’abord les faits et en tirent les généralisations que la logique impose. Rivarol ne refusa jamais la leçon des événements. Il allait certainement, quand il est mort, prendre son parti de la Révolution, ce que les disciples de Bonald et de M. Taine n’ont pu faire encore après plus de cent années révolues. Il en faudra une seconde pour qu’ils oublient la première : peut-être qu’alors ils lui trouveront d’excessives vertus.

Rivarol écrivait donc en 1799[1] : « Je sens bien qu’il faudrait appuyer tout ceci de preuves, avant qu’une triste expérience vienne le démontrer ; mais je ne suis pas encore en état d’offrir au public la théorie du corps politique. J’éprouve de jour en jour que les matières politiques sont d’une toute autre difficulté que les abstractions métaphysiques ; il est plus aisé d’analyser que de composer, et le corps politique ne vit que de composition. L’esprit purement analytique lui est funeste, comme j’espère le prouver. »

La science et l’action suivent une évolution parallèle. Y a-t-il des moments où les lignes s’infléchissent pour se mêler ou se toucher ? On le croi-

  1. De la philosophie moderne, 2e édition, page 74, note. Cet ouvrage, qui n’est qu’un extrait du Discours préliminaire, a été modifié dans les notes.