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nois bourraient autrefois de copeaux de santal une caisse de porcelaines, il a comblé les vides de son in-octavo avec des fragments du Discours préliminaire. Les voleurs intelligents sont très rares ; mais celui-ci était très bête. La vanité l’aveuglait, d’ailleurs, et il se croyait en droit, égal de Rivarol par l’intelligence, de lui donner, au nom des vrais bons principes, des leçons de morale et de logique. Je crois qu’il serait possible d’extraire du volume de Sabatier une centaine de pages qui seraient à peu près de Rivarol ; elles en seraient presque autant que celles que son frère publia sous son nom en 1831, sous un titre analogue : De la souveraineté du peuple. Ce livre, en effet, s’il est de la pensée, n’est pas de la main de Rivarol. Or, si la pensée est rarement séparable de son expression, elle ne l’est jamais chez Rivarol, écrivain de nuances et qui aime à employer les mots selon un sens un peu détourné. Il ne faut pas oublier que, comme presque tous les écrivains exacts, Rivarol était grammairien ; il n’aimait les idées nues que pour avoir le plaisir de les couvrir de vêtements beaux, élégants et inattendus.

Il n’était pas loin, du reste, vers la fin de sa vie, d’admettre la parfaite inutilité, ou du moins la difficulté extrême des théories politiques. Des hommes, comme M. Taine, emploient les faits à démon-