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fection. Entraîné par un charme irrésistible, on ne se lassait pas de l’entendre. Dans sa bouche, les sujets les plus sérieux prenaient de l’intérêt et les plus arides appelaient l’attention. Sa délicatesse ingénieuse donnait de la valeur aux choses ou légères ou frivoles. Un tact heureux des convenances le sauvait du pédantisme et l’éloignait de la présomption. Enfin, signe rare, mais incontestable, de sa supériorité, il faisait éprouver une satisfaction qui prévenait le développement des germes de la jalousie[1]. »

Ne faisant plus rien, il s’avisa de donner des conseils à Louis XVI, qui en avait grand besoin. Venu pour une affaire personnelle chez M. de la Porte, intendant de la Liste Civile, il parle politique ; ses propos sont rapportés au roi et on lui demande de mettre ses idées par écrit. De là ces Lettres et ces Mémoires qui vinrent, avec tant d’autres paperasses, prendre place dans l’armoire de fer. Tout ce qu’on en peut dire, c’est que c’est de la belle littérature politique et que Louis XVI n’eut jamais de conseillers d’un si beau style et d’idées si ingénieuses. Mais il disait trop de vérités pour être lu sans indignation, et le conseil d’abandonner la noblesse ne pouvait plaire à ce pauvre roi, qui croyait s’en faire une armure, alors qu’elle n’était qu’un épou-

  1. Dampmartin, Mémoires, t. I.