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moins pour un des meilleurs ouvriers de la révolution, et il n’est pas commis un grand crime dont il ne se soit avisé le premier. »

Pendant les deux ans qu’il passa encore à Paris après la publication du Petit Dictionnaire, Rivarol ne donna plus rien au public. Il semble même que, dès la fin de 1790, il se soit désintéressé des Actes des Apôtres[1]. La liberté, quoique diminuée, n’est cependant pas morte. Les journaux royalistes sont très actifs. Si les Actes deviennent un peu ritournelle, d’autres feuilles, assez alertes, entretiennent l’esprit d’opposition, la Chronique scandaleuse, la Feuille du jour, le Journal Pie et bien d’autres. Il y avait toujours des salons, celui de Mme de Coigny, qui goûtait tant Rivarol et ne pouvait se passer de son esprit ; celui de la marquise de Chambonas, qui fut souvent la salle de rédaction des Apôtres ; celui du vicomte de Ségur ; celui de Champion de Cicé, où Dampmartin assista aux succès du plus prodigieux causeur qui fut jamais : « Rivarol ravissait les suffrages par sa rapide et lumineuse éloquence. Mon imagination me retrace souvent cet homme rare dont la superbe figure et la voix harmonieuse embellissaient la diction, qui chez aucun autre n’atteignit à un si haut degré de per-

  1. Où il donna peut-être cependant les trois Lettres du citoyen Bacon, no 230, 239, 264.