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n’arrivent à quelque chose que parce qu’ils ne sont bons à rien ?

Il est d’ailleurs visible que Rivarol a voulu faire moins des portraits satiriques qu’une collection de types, et il y a en partie réussi. En voici un que nous avons revu périodiquement à toutes les législatures : « Gérard, grossier laboureur, mais un des meilleurs répondants du patriotisme de la Bretagne. A la vérité, il n’a jamais ouvert la bouche, mais la sublime simplicité de son costume a suffi à l’admiration de Paris et de Versailles… » Ils y sont tous, tels que nous les voyons encore, tels qu’ils nous font encore rire par leur vanité d’étaler à Paris les ridicules qu’une petite bourgade était seule destinée à connaître.

Quand il passe aux véritables meneurs de la Révolution, les griffes s’enfoncent, quoique encore avec bonne humeur. Comme le chat dont il a dit « qu’il ne nous caresse pas, mais se caresse à nous », Rivarol ne poignarde pas ses ennernis, il les amène doucement à venir s’embrocher sur son poing armé d’une légère dague. Camille Desmoulins fut sans doute flatté en lisant : « Il ne paraît pas un de ses numéros qu’il n’y ait quelque part du sang répandu » ; et Mirabeau était assez blasé sur sa propre estime pour accepter ce brevet d’ingéniosité : « Le comte de Mirabeau n’en passe pas