Mallet du Pan n’eut qu’une fort petite influence sur la pensée de ses contemporains. L’arsenal où puisent tous ceux qui combattent la révolution, c’est le journal de Rivarol. Ses ennemis mêmes, et Camille Desmoulins, qu’il a raillé, reconnaissent sa valeur. Et c’est sans doute ce qui explique l’immunité dont il jouit jusqu’à juin 1792. Les jacobins qui avaient des lettres se sentaient, malgré eux, subjugués par cette parole puissante et toujours si décente, en un temps d’injures, qu’ennemis de ses idées il leur fallut un effort pour devenir ennemis de l’homme même. « J’ai vu trop tard pour en profiter, écrivait Burke à Claude-François de Rivarol, en 1791, les admirables annales de monsieur votre frère. On les mettra un jour à côté de celles de Tacite…[1]. » Voilà le mot. On le trouverait dix fois dans les écrits du temps.
Croirait-on que, presque en même temps que son tragique récit des journées d’octobre, Rivarol écrivait pour les Actes des Apôtres[2] la bouffonnerie intitulée Explication d’une charade ? C’est pourtant certain, et quoique le morceau ne soit pas signé et que rien n’ait jamais prouvé qu’il fût de
- ↑ Lettre de M. Burke sur les affaires de France et des Pays-Bas ; 1791. Burke en avait profité sans le savoir par ses correspondants de Paris, qui lui communiquaient les idées de Rivarol. C’est ainsi que les Réflexions sur la révolution de France ont tant de rapports avec le Journal politique national.
- ↑ N° 94.