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de Rivarol, et, s’il n’en avait pas gâté la fin, le morceau serait parfait.

Il explique son système dans une des notes au xxe chant :

« J’avoue donc que, toutes les fois que le mot à mot n’offrait qu’une sottise ou une image dégoûtante, j’ai pris le parti de dissimuler ; mais c’était pour me coller plus étroitement au Dante même que je m’écartais de son texte : la lettre tue et l’esprit vivifie. Tantôt je n’ai rendu que l’intention du poète, et laissé là son expression : tantôt j’ai généralisé le mot, et tantôt j’en ai restreint le sens ; ne pouvant offrir une image en face, je l’ai montrée par son profil ou son revers ; enfin il n’est point d’artifice dont je ne me sois avisé dans cette traduction, que je regarde comme une forte étude faite d’après un grand poète. C’est ainsi que les jeunes peintres font leurs cartons d’après les maîtres. L’art de traduire qui ne mène pas à la gloire peut conduire un commençant à une souplesse et à une sûreté de dessein que n’aura peut-être jamais celui qui peint toujours de fantaisie, et qui ne connaît pas combien il est difficile de marcher fidèlement et avec grâce sur les pas d’un autre. Plus même un poète est parfait, plus il exige cette réunion d’aisance et de fidélité dans son traducteur. Virgile et Racine ayant donné, je ne dis pas aux