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Ces touches réalistes, si elles font partie du génie de Dante, y tiennent peu de place ; mais où nous voyons des taches, le lecteur du quatorzième siècle ne voyait qu’un point de couleur fondu dans l’ensemble. Selon le principe de Rivarol, sa périphrase, « signal immonde », est peut-être ce que l’on pouvait trouver de plus juste à la fois et de moins choquant.

En bien des passages, il n’a jamais été égalé. Par exemple, au chant xxix, où apparaissent deux damnés rendus lépreux : « Jamais l’écuyer que l’œil du maître ou le sommeil sollicite ne promène d’une main plus agile son étrille légère, que ne faisaient les deux coupables, ramenant sans cesse leurs ongles de la tête aux pieds, et se défigurant de coups et de morsures pour apaiser l’effroyable prurit qui les dévorait ; et comme le poisson se dépouille sous le tranchant du couteau, ainsi leur peau tombait en écailles sous l’effort de leurs infatigables doigts. » Que l’on relise cela dans l’informe balbutiement de Brizeux : « … Elles (les ombres) arrachaient avec leurs ongles les croûtes de la lèpre, comme le couteau arrache les écailles de scare ou celles, plus larges encore, d’un autre poisson. » A propos de cette scène réaliste si bien rendue par Rivarol, M. A. Le Breton[1] cite malicieusement l’apprécia-

  1. Rivarol, p. 11.