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texte : il est une conséquence, et non un trait jeté en l’air.

Couronné, en 1784, par l’Académie de Berlin, qui réservait cependant la moitié du prix à un sieur Schwab, imprimé la même année par Decker, le Discours sur l’Universalité de la langue française parut à Paris dans les premiers mois de l’année suivante. C’est probablement, avec l’Essai sur le libre arbitre de Schopenhauer, les seuls beaux fruits des concours académiques. Son succès fut grand, et il le méritait. Si les progrès de la philologie lui ont fait perdre presque toute sa valeur scientifique, la valeur philosophique et littéraire est demeurée intacte.

Sur l’invitation de l’Académie de Berlin, sans doute de Frédéric lui-même, Rivarol constatait un fait, toujours exact, quoique moins évident au premier coup d’œil, et tentait de l’expliquer. Ses raisons ne sont pas mauvaises ; elles peuvent se résumer ainsi : une grande littérature servie par une grande politique. Mais la partie la plus neuve du Discours, et qui l’est restée, est celle où Rivarol esquisse une sorte de psychologie[1] du langage. Est-ce à lui que l’on doit l’expression de parole intérieure, thème récent d’heureuses recher-

  1. Ou plutôt physiologie, mais seulement dans le sens de recherche des causes physiques.