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Tel est, pour employer un mot familier à Rivarol, l’état de la question.

Je pense, après avoir vécu presque une année entière dans son intimité, que Rivarol était un grand et bel esprit dont la floraison fut éclatante et la maturité un peu tourmentée.

Né à Bagnols, le 26 juin 1753, Antoine de Rivarol n’était méridional que par sa mère et sa grand’mère. Les Rivarol venaient du Milanais, plus anciennement de Parme. L’officier, cadet de famille, qui passa en France, vers 1716, et s’y maria, était né à Novare. C’est le grand-père de Rivarol. Son père, de Nîmes, vint à Bagnols, exerça, pour élever ses seize enfants, plusieurs fonctions ou métiers, tour à tour percepteur et fabricant de soie, aubergiste même, dit-on. Il était lettré, faisait des vers et c’est de lui que Rivarol apprit assez d’italien pour comprendre et traduire Dante.

Les premières années de Rivarol à Paris sont demeurées très obscures. On sait qu’il rechercha la protection de d’Alembert, de Buffon, de Voltaire, qu’il porta pendant quelque temps le nom de M. de Parcieux, bonhomme de savant, qui était son grand-oncle, qu’il se lia avec Gubières, Chamfort, Tilly, Champcenetz et qu’il fut enfin présenté à Panckoucke. A partir de ce moment, 1778, on le suit plus facilement. Le Mercure de France avait alors