Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér2, 1913.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les d’enfant, en même temps que ceux de Jules Janin, de Leroy-Beaulieu et du marquis de Lonlay. Tous les quatre étaient célèbres, mais inégalement, dans les châteaux de l’obscur coin de Normandie où je grandissais, peu soucieux du phénomène littéraire. Jules Janin était le plus estimé ; on annonçait sa venue, l’été, comme un événement. Ni de lui, ni des autres, je n’ai le moindre souvenir visuel. M. de Gobineau fit au moins une apparition, sans doute amené par Janin, car lui aussi écrivait aux Débats, où il avait publié un roman, Ternove[1], puis des articles. De cette apparition, il resta dans ma famille un petit volume, Souvenirs de voyage : Céphalonie, Naxie et Terre-Neuve, auquel je pris un certain plaisir. Jamais je n’oublierai ce petit dialogue entre sa mère, qui ne fait rien, et une jeune fille qui fait de la tapisserie :

« — Maman, ne pensez-vous pas que si je faisais la langue du chien d’un vert plus clair, cela vaudrait mieux ?

« — Oui, mon enfant mais je l’aimerais mieux violette, c’est plus naturel. »

Ainsi M. de Gobineau m’enseigna, dès mon jeune âge, les principes du réalisme.

  1. Ouvrage très rare et dont on ne connaît en France qu’un seul exemplaire. Il a été édité à Bruxelles.