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dans le jargon, l’emploi inusité des mots égalité, liberté, — on se croirait toujours en 1788. La Révolution ne semble pas avoir suscité d’émotions chez des hommes capables de les transposer en poésie. Il y avait André Chénier…

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Les « Poésies fugitives de 1793 », année 1794 de l’Almanach, ne diffèrent des précédentes ni par le ton ni par le talent. Le couplet politique est chanté par le C. Ximenez, hier encore le marquis de Ximénez, qui se faisait appeler « le doyen des poètes sans-culottes ». Il avait alors près de soixante-dix ans et devait vivre jusqu’en 1817, lourd d’un siècle et léger de génie. C’était un pauvre homme lâche et versatile, prêt à tout pour quelques applaudissements. Après le salut du citoyen à l’Ère républicaine, et quelques gaudrioles, Ducis s’avance, modeste et doux, chante le Saule de l’Amant. Le saule était déjà fort à la mode. Il figure en plus d’une image sentimentale de ce temps, très souvent associé à des idées funèbres ; sans doute à cause de l’expression saule pleureur, on en plantait sur les tombes, qui avaient cette forme