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deux races juxtaposées dans ce pays. L’une était rude, toute en muscles et en appétits, sans goûts que matériels c’était la race saxonne. L’autre, vive, spirituelle et un peu rêveuse, avait de la curiosité pour les arts et pour la poésie c’était la race bretonne ou celtique. Ces Bretons possédaient d’antiques traditions qu’ils avaient mises en vers et que des chanteurs très habiles récitaient en s’accompagnant d’une petite harpe appelée rote. Encouragés par tes Normands, que ces nouveautés délectaient, les poètes musiciens se multiplièrent ; ils traversèrent même le détroit et se firent apprécier en France. Traduites en notre langue, leurs compositions prirent le nom de lais. C’est un poème qui consiste toujours en un récit féerique ou romanesque ; quelques-uns, restés dans les mémoires, sont devenus nos contes de fées, tels le lai d’Ywenec, qui n’est autre chose que l’Oiseau bleu, Presque tous les lais bretons durent être traduits en français, mais il ne nous en reste qu’une vingtaine tout au plus, dont les trois quarts ont pour auteur une femme, Marie, née à Compiègne, et qui alla vivre en Angleterre, où elle prit le nom de Marie de France. Elle écrivait sous le règne de Henri II, vers la fin du douzième siècle.