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nature, il n’avait de ses secrets aucune curiosité. Les professeurs, en leurs notes, ont depuis longtemps avoué que les fourmis ne font pas de provisions pour l’hiver, qu’elles dorment pendant le froid, de même que tous les insectes qui survivent à la belle saison. L’erreur, qui est encore commune, est ancienne. Pline, qui ne manque pas d’un certain raisonnement scientifique, pour expliquer l’entassement de grains de blé dans la terre, avait imaginé que les fourmis en rongent d’abord le germe. S’ils viennent, ajoute-t-il, à être mouillés, elles les tirent dehors et les font sécher. L’ignorance est vraiment le pays des merveilles, et la faculté de ne pas voir ou de voir de travers, la plus précieuse peut-être de toutes celles que possède l’homme : cela entretient l’activité, puisque toutes les observations sont toujours à recommencer.

La dernière édition classique des Fables, celle de M. L. Clément, est fort savante. Elle nous apprend que la cigale « est un insecte ailé qui fait entendre dans la campagne, pendant les chaleurs de l’été, un chant aigu et monotone ». La Fontaine en savait peut-être autant et aussi Esope, qu’il a imité servilement ; il est fâcheux qu’il n’en ait pas su davantage. Pline était beaucoup mieux renseigné. À coup