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ficiel. De connaissance véritable des choses, ils n’en possèdent aucune et ce sont de fort médiocres observateurs.

Pas plus que les paysans, La Fontaine n’a jamais rectifié une légende d’histoire naturelle. Comme eux, il trouve dans la nature ce que la tradition veut qu’on y trouve. À cette tradition champêtre, il ajoute celle des fabulistes.

Les fables d’animaux, au point de vue de la connaissance des choses, sont peut-être un léger progrès sur les inventions mythologiques. Les animaux ne sont plus des dieux, mais ils sont devenus des hommes. Parmi les sentiments qu’on leur prête alors, quelques-uns, à la vérité, pourraient leur convenir, la peur, la colère, le désir sexuel, mais quel travestissement ! La Fontaine, dit un commentateur, a donné à chacune de ses bêtes une physionomie très conforme aux traits essentiels de la réalité. C’est vrai, presque toujours, s’il s’agit de la forme des animaux et de leurs habitudes générales ; mais l’esprit qu’il leur attribue gâte tout le spectacle. La fable est le genre littéraire le mieux fait pour donner de la nature l’idée la plus fausse possible. Celles de La Fontaine, du moins, en donnent un sentiment juste, chaque fois que le poète