Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér2, 1913.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour amour. « Elle est toujours fidèle, comme dit Emerson, — qui fut bien aussi un poète de la nature, — à celui qui se confie à sa fidélité. » Mais il y a dans ce mot je ne sais quelle religiosité qui est heureusement tout à fait absente de la poésie de Mme Dauguet. Elle ne sent jamais le besoin de personnifier la nature, d’en faire une divinité mystérieuse. En réalité, c’est moins la nature qu’elle aime que les choses, que les impressions que lui donnent les manifestations multiples de la vie. Nul mysticisme, malgré quelques tentatives. La femme est trop sérieuse, le poète est trop sain pour se complaire à des effusions sentimentales, et pires, puisqu’elles seraient sans objet réel. C’est au contraire une perpétuelle recherche de la réalité, un effort ingénu ou conscient pour sentir la vie champêtre telle qu’elle est, avec toutes ses suggestions, toutes ses invitations.

1904.