avoir vu jouer Hamlet, ceux qui applaudissent l’élucubration que l’on donne parfois sous ce titre au Théâtre-Français ? Au lieu de la belle liberté de Shakespeare, dont le vers, souple à l’égal de la prose où il se mêle, enveloppe la pensée d’images sans cesse renouvelées, ce ne sont que des tirades à la fois triviales et pompeuses, grossières et gauches. Mais ce n’est rien une partie du texte est supprimée. Ce n’est rien encore : le caractère d’Hamlet est travesti. Après la scène du poison versé dans l’oreille, on nous montre un Hamlet « bondissant avec un cri de triomphe » et (pour rimer avec éclair) clamant « Maintenant, c’est clair ! » Nul personnage ne fut jamais moins bondissant qu’Hamlet, ni moins prêt au cri de triomphe.
En une autre adaptation (ou dans une édition antérieure de la même), Hamlet, ayant tué Polonius, charge le corps sur ses épaules et sort, toujours triomphant. On se borne maintenant à lui prêter ce geste d’opéra : « Il ramasse son épée et sort en l’élevant. » En même temps, il a eu le soin de dire, sur un ton lugubre : « La mort est en chemin. » Rien de pareil dans Shakespeare. Hamlet sort lentement en tirant après lui (dragging in)