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Un jour Rosita Mauri, la danseuse, alors dans tout son éclat, entre comme la foudre dans l’entresol du Gil-Blas, boulevard des Italiens, au coin de la place de l’Opéra, et, brandissant un numéro du journal :

« — Comment osez-vous imprimer toutes ces ordures, et — elle lisait des titres et des noms, — pendant que vous avez là Villiers, pendant que vous avez là un homme de génie, — et qui attend ? »

J’allai avec lui au Gil-Blas. Nous voulions offrir à Guérin, le Guérin-Ginisty de la Fange (comme on se juge !) un roman que je venais de finir. Villiers recommande le manuscrit du ton le plus équivoque, assurant que c’était mondain, sensuel, pervers, plein de soupers, de fêtes et de courtisanes, ce qui était bien loin de la vérité. Il affectait d’ailleurs devant ces hommes la plus singulière attitude, les accablant de saluts, de compliments, se glissant en humble collaborateur, heureux d’évoluer parmi tant de maîtres. C’était sa manière de mépriser.

À l’Écho de Paris, quand j’apportai sa nouvelle posthume, les Filles de Milton, il fallut lutter pour le prix. J’obtins enfin la somme qu’il eût touchée