Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elles s’incarnent pour acquérir la vitalité et la force. Les femmes ont raison. Mais n’est-ce pas Nietzsche lui-même qui a dit qu’un système de philosophie n’est que l’expression d’une physiologie particulière ? Si une femme avait aimé la philosophie de Nietzsche (il y en a aujourd’hui), elle eût bien vite délaissé les livres pour aller vers le philosophe. Les hommes, d’ailleurs, font-ils autrement ! Ceux qui admirent un écrivain ne désirent-ils pas le voir, entendre sa voix, serrer sa main ? Les femmes sont plus franches et plus naturelles, voilà tout. On a maudit leur fourberie. Elles ne sont fourbes que lorsque l’homme les contraint à se défendre contre lui. Il y a beaucoup d’hommes trompés ; il y a encore plus de femmes. Elles le savent et, moins bêtes que les hommes, se fâchent moins souvent qu’eux.

Nietzsche connaît si mal les femmes que lui, le grand créateur d’idées, de rapports nouveaux, il se trouve réduit à rédiger, sous une forme nietzschéenne, des lieux communs. Il nous dit : « Les jeunes filles qui ne veulent devoir qu’à l’attrait de leur jeunesse le moyen de pourvoir à toute leur existence et dont l’adresse est encore soufflée par des mères avisées, ont juste le même but que les