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confondait avec diverses autres maladies de notre esprit, l’amour-propre, la vanité, la suffisance, l’ambition, l’inquiétude, l’inconstance. II y a un peu de tout cela dans le bovarysme, mais son essence est très différente et très particulière, puisqu’il suppose que le personnage qui en est atteint se développe dans un sens absolument opposé à sa personnalité réelle.

Il n’est presque personne qui ne soit plus ou moins atteint de bovarysme, qui fasse exactement le métier pour lequel il a les meilleures aptitudes. Le monde, sans cela, serait moins plein de fausses vocations, de faux talents, de fausses passions. Mais cette maladie, du moins, est un principe de mouvement ; poussés par leur illusion, beaucoup de gens se remuent dans la vie, qui, entièrement sains, demeureraient immobiles dans leur coin. Il arrive même que le bovarysme réussit et qu’un homme, qui veut très fermement exercer un métier pour lequel il n’était pas fait, arrive à y devenir maître.

C’est un bovarysme de ce genre que M. Jules de Gaultier a cru découvrir dans les Concourt. En se basant sur les aveux même de leur Journal, il les montre n’acquérant le style que par un labeur terrible, par des séances de travail qui les couchaient