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à son fronton, ces mots redoutables : De la quadruple racine de la raison suffisante. Soyez braves, ouvrez-le. Quelle récompense ! C’est un enchantement : un homme d’esprit à la fois et de raison profonde nous passionne pour l’idée de cause, sans laquelle le monde ne peut être conçu que comme un chaos, et nous fait rire, vraiment rire, aux dépens de ceux qui essaient de briser la chaîne invincible des faits, pour y insérer modestement leur petite volonté.

C’est à Schopenhauer, le plus français des philosophes allemands, que se rattache assez visiblement M. Jules de Gaultier ; c’est de lui qu’il a reçu son éducation philosophique, c’est à lui qu’il doit cette rectitude de jugement qui fait la valeur de sa propre philosophie. Comme Schopenhauer encore, il est un constructeur de systèmes ; le monde n’a eu un sens pour lui que le jour où il a pu eu assembler les forces selon un mécanisme logique. D’autres se contentent de vues partielles ; il a voulu contempler l’ensemble de la vie et déterminer la direction du mouvement qui entraîne, selon un rythme merveilleux, le cosmos intellectuel.

Les deux forces qui mènent les hommes sont le désir de vivre et le désir de savoir, le sentiment et