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une maladie et se tire de toutes les difficultés au moyen d’un sourire et parfois d’une grimace.

Cette attitude, plus ou moins accentuée, est tellement inhérente à la profession de critique, qu’on la rencontre jusque chez Sainte-Beuve, ce maître et ce modèle de tous les juges littéraires. Il fut parfois d’une prudence excessive et, chose extraordinaire dans un esprit aussi sûr, d’un scepticisme de mauvais goût. Les articles sur Balzac et sur Flaubert sont là pour prouver qu’il est bon qu’à côté du critique de profession, trop respectueux de la tradition, surgisse de temps en temps le critique occasionnel qui dit franchement ce qu’il sent et ce qu’il pense, sans autre souci que de se plaire à lui-même et de décharger sa sensibilité, comme on décharge une pile électrique.

Mais ce que d’autres ne firent que par occasion, M. Mirbeau le fit par vocation.

Des missionnaires ou des explorateurs s’en vont, attirés par la misère des âmes lointaines, par la rumeur douloureuse des peuples cachés. Leurs désirs sont obscurs, mais ils obéissent à deux senttiments, qui sont très souvent féconds, quand ils demeurent en de certaines limites, l’amour du nouveau et l’amour de la justice. Ils vont. Où ? Vers