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comprennent plus. Aucun d’eux n’a été prendre des leçons chez M. Rostand ; sa poésie, que tout le monde a lue, n’a eu d’influence sur personne. Elle est sans chaleur ; c’est un reflet, une lumière lunaire. Et c’est pour cela que le mot de M. Faguet est particulièrement choquant : qu’est-ce donc que ce Cid, qui n’éveille dans le monde des poètes aucun mouvement, même de curiosité ?

Il ne faut pas dénigrer M. Rostand ; il a un certain talent, et il serait injuste de dire que sa réputation est entièrement usurpée. Elle est excessive, sans doute, mais elle n’est pas scandaleuse. Et puis, le théâtre a des effets d’optique dont il faut tenir compte. Le théâtre grossit tout, les réputations comme le reste. Il est peut-être fâcheux que Cyrano de Bergerac soit le livre qui représente aujourd’hui la poésie française à l’étranger ; mais elle pourrait être représentée encore plus mal. M. de Bornier a été presque aussi célèbre que M. Rostand, il y a vingt-cinq ans, et lui, vraiment, il n’avait aucun mérite.

Comme j’ai voulu donner un exemple mémorable de bonheur littéraire, je n’ai parlé que de Cyrano. Le bonheur continue, il n’augmente pas. C’est déjà très beau, et M. Roslaud restera sans doute dans