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non seulement je sens des faiblesses que je ne puis décrire, mais tant de vie communiquée au cerveau que j’en éprouve de singuliers troubles ; je perds parfois le sens de la verticalité, qui est dans le cervelet ; même dans mon lit, il me semble que ma tête tombe à gauche ou à droite, et je suis, quand je me lève, comme emporté par un poids énorme qui serait ma tête. » II faut de moins en moins admirer, car Balzac ne nous donne ici que le spectacle de la présomption et de l’ignorance. La connaissance des notions les plus élémentaires de la physiologie et de la médecine l’eût préservé de ces extravagances ; mais il voulait, dans son orgueil, inventer tout, même la science, et il poussa la fatuité jusqu’à rédiger des dissertations psychologiques, jusqu’à imaginer « une théorie de la volonté », qui n’est qu’une apologie de l’entêtement !

D’autres écrivains célèbres du siècle dernier contribuèrent à mettre à la mode le travail acharné ; mais aucun ne semble s’être jamais livré à d’aussi effroyables orgies d’écriture. M. Zola donnait régulièrement à son œuvre trois heures par jour ; il était méthodique et modéré. Exploité avec cette sagesse, le génie de Balzac eût acquis, sans doute, ce qui lui a toujours manqué, la sérénité, ce calme