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populaires ses croyances et ses préjugés. La moitié des superstitions datent des almanachs. Avant que les fidèles fussent en possession de livres immuables, la religion avait en France une très grande variété de rites, de chants, d’usages. Nous enveloppons dans le mot « jadis », comme dans un suaire, une douzaine de civilisations superposées ; cela contente notre ignorance et notre paresse.

Le culte des morts est-il très sain soit pour les individus, soit pour les peuples ? Il le serait peut-être s’il accroissait l’énergie, si, comme chez les Romains, les ancêtres étaient considérés comme des dieux impossibles à égaler et dont on doit cependant imiter les vertus. Si, au contraire, il n’engendre que la résignation, s’il conduit à la peur de tout ce qui est nouveau, c’est une religion plutôt fâcheuse : la Chine, sous l’influence de Confucius, s’est laissé empoisonner par les morts. Il faudrait craindre un sort pareil, mais M. Barrès n’est pas Confucius.

Confucius était, je pense, un homme modéré ; et M. Barrès est un homme excessif, sous une apparence très calme. Sa logique a des audaces romantiques et un goût pervers pour la mort ; elle cueille des fleurs dans les cimetières et s’y promène le soir,