Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lent par nous ; toute la suite des descendants ne fait qu’un même être. Sans doute, celui-ci, sous l’action de la vie ambiante, pourra montrer une plus grande complexité, mais elle ne le dénaturera point. C’est comme un ordre architectural que l’on perfectionne : c’est toujours le même ordre. C’est comme une maison où l’on introduit d’autres dispositions : non seulement elle repose sur les mêmes assises, mais encore elle est faite des mêmes moellons, et c’est toujours la même maison. Celui qui se laisse pénétrer de ces certitudes abandonne la prétention de sentir mieux, de vouloir mieux, que ses père et mère ; il se dit : « Je suis eux-mêmes. »

Rien de plus touchant que le sentiment filial poussé jusqu’à ce degré d’abnégation, jusqu’à ce renoncement à sa propre personnalité. On aurait mis cela jadis dans la vie des saints, sans d’ailleurs en comprendre la portée, et on l’aurait lu avec componction. M. Barrès, qui ne cherche pas à nous édifier, mais à nous convaincre, devrait comprendre à quel point de pareils exemples sont fâcheux. Il ne faut pas assurément suggérer aux hommes ce devoir insensé défaire le contraire de ce qu’ont fait leurs parents ; mais il est pareillement mauvais de les décourager en leur assurant qu’ils ne feront pas