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LE SENTIMENTALISME DE M. BARRÈS

II y a peu d’écrivains aujourd’hui — il n’y en a jamais eu beaucoup — qui puissent, sans que l’on rie de leur présomption, réunir en un volume des articles de hasard. Les recueils sont presque toujours absurdes ; ils ne le sont plus, quand l’écrivain, même à ses heures de moindre conscience, est mené par la main au gré d’une idée directrice. Il n’est pas nécessaire que cette idée soit toujours la même. Tel change d’idées comme il change d’amours. L’important est de n’avoir vides ni le cœur ni la tête. On lit dans une note de son dernier livre, Amori et dolori sacrum : « …quand je fondais le nationalisme sur la terre et les morts… » : voilà l’idée qui, depuis quelques années, entraîne M. Barrés : le culte des morts. Le raffinement intellectuel aboutit à un sentimentalisme primitif ; après un effort cordial vers la liberté, la fierté d’un homme retombe à genoux dans les cimetiè-