Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Oblat a fait davantage aimer les moines et la vie religieuse ; j’en doute, mais ce roman pieux, triste comme une vieille église, affirme qu’un homme de talent peut tout se permettre : et c’est un résultat.

Ici et là, c’est bien toujours le même écrivain, le même œil, le même odorat, la même perversité en quête du laid, du mauvais, du baroque, jouissant d’elle-même et de sa capacité à percevoir un monde anormal et fâcheux. La verve stylistique, l’imprévu des images et des comparaisons, l’ingéniosité des trouvailles et des détails, et ce sourire des yeux contents d’avoir vu et mieux vu que les autres yeux, un tour involontairement paradoxal, l’originalité de l’homme sous les procédés de l’écrivain, et jusqu’à la piété qui paraît celle d’un curieux autant que celle d’un convaincu, tout cela forme un amalgame où l’on retrouve le goût de ces vieilles liqueurs composites dont les recettes tiennent trois pages et dont la saveur est à la fois poussée et voilée, vague et pointue, insolente et sournoise. La critique dévote goûte peu M. Huysmans, regrette parfois de l’avoir pour client et pour allié. Elle a peut-être raison : il est demeuré plus de lettres qu’il n’est devenu d’église

1903.