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pas à la vie claustrale. Il n’est tenu à rien qu’à suivre les offices deux fois par jour, le matin et le soir, et à recevoir, en ce qui touche la vie spirituelle, la direction de l’abbé du monastère. Il demeure en dehors de la clôture et ne mange avec les moines qu’aux jours de fête, quand on veut bien l’inviter. Cette clause n’est pas de celles qui durent déplaire à Durtal, qui juge fort sévèrement la cuisine monacale. On retrouve, en cet homme devenu pieux, le dégoût de M. Folantin et de des Esseintes devant les nourritures vulgaires. Il est d’ailleurs beaucoup question de cuisine dans l’Oblat, comme dans tous les romans de M. Huysmans. Sa conversion n’a pas plus éteint son sensualisme culinaire que son style. il a même introduit dans le petit monde qui gravite autour du monastère une jolie silhouette de dévote gourmande, vieille fille aimable qui, renonçant à tout le reste, n’a pu renoncer aux plaisirs de la table. C’est le personnage le mieux dessiné d’un livre confus et sans beaucoup de relief. Un seul des moines est assez vivant, le père pharmacien du monastère, brave homme sale et ignorant, « d’aspect vénérable et burlesque ». Les autres sont peints sans originalité, probablement parce que les modèles manquaient de relief.